POLNAREFF LE GÂCHIS
Quelle tristesse de voir Polnareff dans cet état, tel un Phil Spector des assurances annulation, ou Johnny après l’hernie discale. Ce type a fait des chansons sublimes, et il pourrait continuer d’en faire s’il ne s’était pas laissé prendre au piège de sa propre légende. En 1994, Marie-Dominique Lelièvre avait magistralement décrit, dans son Gainsbourg sans filtre, ce moment où le personnage public peut finir par dévorer l’être vivant.
Comment, dans ces situations, ne pas en vouloir aux proches? Polnareff a longtemps travaillé avec la crème : Jean-Loup Dabadie (il mérite le Nobel pour les paroles d’Holidays), Jean-Claude Vannier (idem pour les montées de cordes de Dans la maison vide), le fantastique Jean Bouchéty, orchestrateur génial et encore trop méconnu. Mais il a aussi toujours eu le chic pour s’entourer d’imbéciles, de grand(e)s maboul(e)s ou de malhonnêtes. Il n’est donc pas étonnant qu’il aille consulter à l’Hôpital Américain, c’est une pétaudière pour nigauds friqués, qui devrait être fermée depuis longtemps. Déjà en 1998, alors que j’étais en train de devenir aveugle, je m’étais retrouvé à faire du laser chez un ophtalmo de l’avenue Hoche qui s’était occupé de Polnareff. Un escroc qui brûlait les rétines au noir.
Voilà près de 30 ans que des cadres de l’industrie du disque se prennent des cuites avec lui dans des palaces, empilent les notes de frais et les anecdotes salaces dans l’espoir que l’animal leur livre le grand album du retour. S’il ne le fait pas, ce n’est pas, comme on le croit, par manque d’inspiration : comme l’appétit vient en mangeant, celle-ci vient en créant, en ne se laissant pas submerger par l’inaction et la peur.
En 1992, grâce à mon ami Pierre Mallon, et à Christophe Lameignière, alors D.A. de son label Epic, j’avais produit pour eux un album, Holidays, de reprises de son répertoire. Les « tributes » à la noix commençaient à pulluler, ça ne me semblait guère pertinent de le faire massacrer par cette variété-rock française qui venait d’envahir les ondes à la faveur des quotas. J’avais donc proposé une relecture par des artistes étrangers. Certains le connaissaient et l’admiraient, d’autres n’en avaient jamais entendu parler, et c’est ce qui faisait le charme de l’entreprise.
Pulp, Saint Etienne, les Residents, Steven Brown, Blaine L. Reininger, Barry Adamson, Louis Philippe, Tokyo Performance Doll, Spookie, Nouvelle Génération de la République Démocratique du Congo, Ali Hassan Kuban en nubien, Colin Newman, Malka Spiegel et Samy Birnbach en hébreu, Nick Cave en français, les Nits en néerlandais…: tous avaient joué le jeu et s’étaient impliqués avec générosité.
C’était un joli cadeau qui n’avait pas coûté grand chose. Aussi, quand les relations de Polnareff et d’Epic se détèriorèrent, il fut mis de côté. Sony ne voulait pas prendre le risque de sortir les adaptations des textes sans son autorisation. Des années plus tard XIII bis me demandera de le récupérer, mais eux non plus ne sortiront pas les traductions, et ils dénatureront le projet en y ajoutant des artistes français, tout à fait excellents par ailleurs, à rebours de l’intention originelle de voyage hors de l’hexagone.
C’est con, je crois que j’aurais pu l’aider à vaincre ses appréhensions et sa timidité. Il fallait délivrer Polnareff, otage de son talent et de ses lunettes blanches, comme Lucien Ginzburg de ses Repetto, sans singer le passé ni la mode. Mais on ne pense jamais à moi pour ces mecs-là, et maintenant c’est moi qui ai l’âge qu’ils avaient quand je rêvais de travailler avec eux.
so fucking true, BB
Thank you, dear Jean-Eric.
Papier plein de bon sens !
Pfiouuu quel gâchis. Et un type comme Lawrence de Felt / Go Kart Mozart ne demanderait que ça, faire une belle reprise de Polnareff.
Bonjour. J’ai cette compilation dans mes étagères de CD depuis longtemps . je l’avais trouvé plutôt réjouissante , notamment pizicatto 5 et louis philippe et avait trouvé très drôle la prestation de Nick Cave. Mais, pour être honnête , il tombe vachement bien , votre article avec l’actualité , non ? Même si le sujet de l’article ressemble maintenant au grand-père pathétique de Brice de Nice , on est d’accord … vous auriez fait cet article juste quelques semaines avant , très pertinent . là , ça fait bizarre … mais merci pour la compilation et surtout pour m’avoir fait découvrir Eggstone !!! dans d’autres temps , il est vrai .
Il n’y a rien de « bizarre » cher Pierre, puisque j’ai écrit ce texte en réaction à l’actualité, et pour défendre l’homme enseveli sous le personnage public…
Rester élégant même dans une possible déconfiture … un challenge … probablement plus facile à atteindre quand on a pas connu le véritable age d or et ses perversions addictives …
Exact. Mon amical souvenir cher Laurent. J’espère que tu vas bien.
Ce doit être à cause de la folie des grandeurs ? Montand n’a pas flatté que Louis ! Pour le reste, je trouve ça rudement bien dit Mr Burgalat.
Merci beaucoup, c’est cette folie des grandeurs qui peut produire les plus belles choses, et c’est aussi elle qui peut empêcher de les réaliser.
Bien écrit. Bien dit. Polnareff s’est retrouvé emmuré dans son époque. Tout en faisant semblant d’apparaître souriant et décontracté, il n’en était pas moins devenu la caricature de sa propre icône. Qu’on en parle au présent ou à l’imparfait n’enlèvera rien aux souvenirs qu’une génération maintenant sexagénaire a accumulés durant la décennie de son activité réellement créative. Aujourd’hui il est aussi beau qu’un lion abattu par les chasseurs de fauves et transformé en descente de lit.
« Emmuré dans son époque » c’est très beau, vous devriez en faire une chanson, CharlElie.
Polnareff a été mine par le son de L.A et son trop long séjour là bas.
Je serais plus sévère que vous ne l’êtes sur la qualité de ses production post 70. Il n’a pas sut rester discret et à trop donné a la pub (comme Gainsbourg d’ailleurs) et ce deal les a mis hors course de la même façon. Avant ils travaillaient après ils ont eut un emploie (ou une rente) et cela les a finis dans un feu d’artifice cheap qui les a consumé…
En dehors de cette affaire bien triste, je me demande s’il est (était) encore capable d’un coup d’éclat, à défaut d’un chef-d’oeuvre.
Trénet a fait un retour très convenable à la fin des 80s, en gardant ses recettes habituelles, sans innover (on s’en fout, il l’avait déjà tellement apporté avant). Mais cela reste rare dans la chanson française.
Je me demande si dans le label, & parmi les musiciens & arrangeurs, il y a des personnes qui lui disent « Tu peux faire mieux ». pas certain.
Joe Strummer, des Clash, avait dit qu’il pensait qu’un rocker (c’est encore une autre catégorie d’artistes) n’a rien à apporter après un certain âge, que c’est comme un footballeur ,& qu’à un moment il faut passer à autre chose, devenir entraîneur, en gros.
salutations sincères..de la part d’un musicos ayant apprécié la plupart des commentaires !
Fan du grand Poldo depuis mes 10 ans quand est sorti « Holidays », fan de Tricatel depuis « The sssound of mmmusic » (qq échos de sons s’entrechoquent avec qq instrumentaux de Polnareff côté Lipstick).. je suis tout autant attristé du tout, restant fidèle sans avoir pu décoller du « Kama Sutra »..je n’attends plus son dernier, et j’ai écouté son Olympia dubitatif.
Je me dis là, un genre de fantasme dingue, avec les répertoires qu’on connait.. l’apothéose imaginé.. Polnareff meets A.S Dragon.
J’écoute qqfois cette sublime compilation rose à poussin, rares sont les beaux hommages. Merci pour cet article.
Un grand fan de vos travaux et votre esprit.
Charlu
Monsieur Bertrand Burgalat travaillant avec Michel Polnareff, j’ adorerai ça ! Nous avons beaucoup d ‘artistes de grand talent, mais la musique de Bertrand Burgalat étant sans aucun doute ce qu’ il se fait de mieux dans notre pays, et son travail sur son label est à saluer.