C87 et Louise Le May : Les enfants d’Albion
Il fut un temps où l’Angleterre était le centre de la pop music. L’astre autour duquel tout tournait. C’est simple, il suffisait d’acheter le NME et le Melody Maker pour savoir ce qu’allait suivre six mois plus tard les médias français « branchés ». Justement en 1986 le NME sortait la compilation cassette C86 compilée par les journalistes Roy Carr, Neil Taylor et Adrian Thrills. Ce florilège obtenu en licence de labels débutants, Creation en tête marquait les débuts d’artistes tels que Primal Scream, The Wedding Present The Pastels, The Shop Assistants ou McCarthy. À cette époque, la pop à guitares aigrelettes ou noisy se terrait dans l’underground. Les flexidiscs, 45 tours auto produits avec pochette photocopiée et fanzines fait maison s’échangeaient par la poste entre différents îlots de résistance . Le do it yourself et une certaine arrogance adolescente redonnaient du baume au cœur à cette deuxième moitié des 80’s qui avait vu sombrer la New Wave dans un certain « ennui », (en français dans le texte). De nombreux bons groupe, tels que les Undertones, Cabaret Voltaire ou Gang Of Four sortaient leurs albums les plus faible. Avec sa coupe au bol, son anorak et sa passion pour les Byrds, l’Indie Kid semblait être l’avenir de la pop. Bien sûr en 88-89 le « mouvement » finira par être récupéré et les Stone Roses ou autres Charlatans déjà des versions pour lads des musiques défendues par ces jeunes gens complexés et plus ou moins modernes. Quant à l’Indie kid, il allait vite devenir une caricature de lui-même avec des labels néo-culcul comme Sarah Records. Mais en 87 on ne le savait pas encore et ce « petit bal perdu » de la génération nourrie à John Peel avait du chien.
Le label Cherry Red a eu la bonne idée de proposer une suite à cette compilation mythique. Tout simplement nommée C87, sous forme de trois Cd’s et d’un livret richement illustré, voilà un bel instantané du pourquoi en 87 l’Angleterre était encore le centre du monde musical. D’un côté on trouve dans ce coffret les groupes « en devenir » qui allaient accéder au succès, citons pour mémoire, The House Of Love, The Shamen, The Darling Buds, The Inspiral Carpets, Cud. On redécouvre également des formations qui allaient devenir cultes avec pour nom The Kitchen Of Distintion, The Boy Hairdressers futur Teenage Fanclub, les Vaselines que Kurt Cobain allait gratifier d’une reprise sans oublier The Sea Urchins qui allait lancer un Sarah Records pas encore devenu une caricature de lui même. Le troisième CD de ce C87 quant à lui compile les groupes restés obscurs et qui sont le plus souvent les plus intéressants de ce « mouvement qui n’en était pas vraiment un ». Les noms de The Bachelor Pad, The Heat Throbs, Rote Kapelle, The Raw Herbs, The Great Leap Forward, The Submarines et de The Hangman’s Beautiful Daughter ne vous diront peut-être rien et pourtant ce sont justement les plus inclassables, abrasifs et donc irrécupérables du lot. Donc les plus essentiels car qu’est ce que l’Indie Kidisme sinon une forme de dandysme romantique quoiqu’un peu neurasthénique. Le passage du temps à donné à tous ces groupes un cachet qui les rend encore plus précieux. D’une époque où l’on pouvait encore croire que la pop indépendante anglaise comptait dans nos vies.
Une débâcle de la brit pop plus tard, le new labor, la découverte que Jarvis Cocker n’est jamais qu’un bobo comme les autres, l’escroquerie Damien Hirst et plus généralement la fin de l’Angleterre en tant que terre insulaire capable de générer de vrais excentriques. L’eau à bien coulé sous les ponts et Londres de ne plus ressembler qu’a un grand Amusement Park . Pourtant tout n’est pas perdu, le royaume est capable de donner naissance à des artistes inclassables comme Louise Le May. Cette jeune femme avec son album A Tale Untold évoque une Angleterre qui baigne dans un onirisme paganiste pré-chrétien quoique qu’un peu Elisabéthain sur les bords où flottent les spectres bienveillants de Robert Wyatt, de Kate Bush,de Lewis Carol et de William Blake. Louise LeMay a pour arrangeur rien de moins que Louis Philippe accompagné par le Covent Garden Orchestra. Un disque malicieux, profond et intemporel qu’on écoutera encore dans 10 ans alors que Joan sera de tous les vides greniers. Finalement le brexit s’il nous offre dans le futur de vrais artistes insulaires nourri d’un vrai particularisme briton plutôt que des produits standardisés EU est une chance.
Various : C87
(Cherry Red)
Louise Le May : A tale Untold
(Folkwit Records)